Je n’ai jamais été une grande passionnée des sciences, préférant de loin les disciplines artistiques au moindre reportage scientifique, et si on ne m’avait pas fortement recommandé de choisir la chimie et la physique en cinquième secondaire, je n’aurais probablement jamais fait la connaissance du tableau périodique et de ses éléments. Toutefois, chaque fois que je vois une exposition intégrant des notions scientifiques à un contenu artistique, je suis fascinée. Ce fut le cas lors de ma visite à la galerie Les Territoires, qui présente en ce moment De la nature, un projet de leur programme de réflexion critique regroupant quatre artistes-chercheurs de talent. Ceux-ci s’étant associés à des biologistes, entomologistes ou ingénieurs, il en résulte un travail complexe qui suscite curiosité et émerveillement, même chez les plus rébarbatifs (comme moi).
En entrant dans l’espace d’exposition, la première chose qui saute aux yeux, c’est à quel point on se croirait dans un laboratoire. Tout semble aseptisé, les bruits sont étranges, l’atmosphère est un peu inquiétante. Je suis d’abord attirée par des cubes transparents où reposent des échantillons d’une sorte de gélatine verdâtre remplie de petits points noirs qui, en s’approchant, m’apparaissent plutôt comme de petits organismes vivants, des microbes, des poils, quelque chose du genre (on se rappelle que je n’y connais absolument rien en science). L’aspect est séduisant, hypnotisant. L’Å“uvre de Kelly Andres est aussi accompagnée d’une étrange vidéo mettant en scène des numérisations tridimensionnelles d’objets de son studio, vidéo que l’on peut d’ailleurs voir juste ici, et d’un cabinet de bois renfermant une imprimante 3D ayant servi à concevoir certains échantillons de l’ilot et quelques autres items épars.
Dans l’autre pièce, un aquarium dont on a amplifié le son, rempli de minuscules poissons et de quelques babioles décoratives, sert de terrain d’expérimentation à l’artiste Claire Kenway. Juste à côté sont exposées les recherches de Brandon Ballengée, principalement axées sur la qualité de l’eau et son effet sur les organismes vivants qui l’habitent. L’artiste y a exposé différents spécimens de grenouilles souffrant de malformations diverses, et s’est aussi servi d’un échantillon d’eau d’étang pour une autre partie de son projet. Alison Reiko Loader, quant à elle, propose des vidéos habilement projetées dans quatre cercles au mur, à la manière d’objectifs de microscopes. Celle-ci présente l’évolution de bestioles grouillantes, alternant entre gros plans, arrêts sur image, et cetera, et créant parfois des scènes horrifiantes pour quiconque n’est pas friand d’insectes. Juste à côté, sur une petite table, des spécimens sont préservés dans de petites pastilles transparentes, et nous sommes invités à les examiner à l’aide d’une loupe. Une vidéo projetée crée alors une illusion saisissante, donnant l’impression que la table fourmille d’organismes vivants, d’insectes qui se reproduisent et meurent.
Au-delà des réels enjeux abordés par les artistes, ce qui est intéressant, c’est que ceux-ci se servent des codes visuels et du langage de la science pour mener à bien leurs projets artistiques. Ce faisant, ils brouillent les frontières entre les deux disciplines et créent un environnement où tout semble possible, et où le vrai et le faux se côtoient sans cesse. Cette zone m’apparaît très riche, et j’espère bien revoir d’autres projets de ce type dans un avenir rapproché. Pour l’instant, je vous invite à vous rendre aux Territoires et à expérimenter cet entre-deux fascinant, autant d’un point de vue scientifique qu’artistique.
Les Territoires, espace 527
Kelly Andres, Brandon Ballengée, Claire Kenway et Alison Reiko Loader
De la nature
18 janvier au 23 février 2013
lesterritoires.org