Galerie Hugues Charbonneau / Recomposer la ville – Space for Agency

Isabelle Hayeur, Maria Hupfield, David Lafrance et Alain Paiement
Recomposer la ville – Space for Agency
Galerie Huges Charbonneau
Du 25 janvier au 4 mars 2017


En ce début de 2017, année honorifique et commémorative des 375 ans de la ville de Montréal, la Galerie Huges Charbonneau instaure sa nouvelle exposition Recomposer la ville — Space for Agency, constituée d’Isabelle Hayeur, Maria Hupfield, David Lafrance et Alain Paiement. Les œuvres y interrogent les notions de « public » et de « collectif ». Par l’exposition et son contenu, la galerie suggère divers questionnements sur l’occupation du territoire urbain : les pouvoirs en place ; les stratégies citoyennes de résistance et d’engagement ; les implications du vivre ensemble — voire de sa possibilité dans certains contextes politiques actuels[1]. Sous deux vecteurs en constante dialectique, les artistes de l’exposition offrent un apport critique qui aborde différemment les célébrations de l’anniversaire de la ville. D’une part, ils réimaginent la topographie de celle-ci, et d’autre part, ils invitent à penser de quelles façons l’on peut se réapproprier socialement et culturellement son environnement[2].

Dans l’exposition, Isabelle Hayeur propose deux œuvres. La première, une photographie de la série Nuits américaines, Day Trading (2006), révèle le chantier de construction d’un édifice simulé, sans fonction précise, obtenu par de multiples manipulations digitales. Les effets de perspectives complexes, toutes factices, troublent le discernement de ce qui réel ou irréel dans la composition. La seconde, la vidéo Pulse (2015), est en corrélation avec les manifestations et bouleversements entamés par la grève étudiante du printemps 2015 et toutes autres luttes sociales dénonçant les mesures d’austérité néolibérales ou les écrasements de la liberté politique ressentis au Québec. L’artiste y a reconstitué un amalgame d’images trouvées et captées par elle-même, offrant une réactivation séquentielle des oppressions.

Maria Hupfield quant à elle, expose son révélateur projet Survival and Other Acts of Defiance (2011). Dans la vidéo, l’artiste s’objective en sautant en récurrence avec des bottes ornées de multiples grelots en étain qui provoquent un son affirmatif. Par son corps en réitération et l’action en perpétuelle répétition, elle atteste son statut de femme autochtone en renégociation avec son environnement — urbain ou naturel. Dans ce « rituel », elle y conteste des notions de sa démarche relatives à la mémoire culturelle et l’identité. À l’échelle humaine par son format, l’œuvre est accompagnée d’un X au sol, incitant ainsi le visiteur à s’y joindre, et à s’y positionner. L’immersion directe provoque l’effet momentané et immédiat de la performance.

David Lafrance présente des sculptures de bois en ronde bosse, desquelles les formes sont dégrossies par taille directe, puis assemblées et peintes. Issue de la série Place publique (2016), les deux œuvres Place publique 1 et 4, suggèrent des projets d’urbanistes imaginaires. Formellement par leurs structures en étagement, les miniatures rappellent des aménagements autour desquels se rassemblent les citadins. Toutefois, la blancheur de ces places subtiles se retrouve troublée par des éclaboussures monochromes alliées à l’ajout de croquis botaniques démesurés. Le résultat de chacune des compositions instaure des espaces publics fictifs, ternes et inquiétants.

Alain Paiement offre pour sa part une production issue de son plus récent corpus, Voisinage contextuel (2016). La photographie s’ouvre sur un espace, une carte de la métropole non pas fonctionnelle, plutôt surabondante et disproportionnée. La cartographie montre d’un point de vue aérien des humains qui habitent les quartiers de la ville, et qui l’animent collectivement au quotidien dans l’instantanéité.

En définitive, la galerie recompose le paysage de l’art contemporain, celui de sa ville et de l’Édifice Belgo : Montréal. La sélection des artistes n’est pas hasardeuse, chacun a une proximité particulière avec la métropole — qu’il la fréquente, y travaille ou y habite. Les œuvres, bien que différentes, les unes et les autres, témoignent d’une ville imaginée et réappropriée par ses occupants. Le déploiement expographique sobre et habile confère à un dialogue cohérent et unifie les pratiques distinctes des artistes. Recomposer la ville — Space for agency ne catalyse pas qu’une critique, mais un regard pluriel sur un espace et sa population…

[1] Tiré du communiqué de la Galerie Hugues Charbonneau, Exposition Recomposer la ville – Spaces for Agency
[2] Idem.


Print pagePDF pageEmail page

Submit a comment